« Dans la peinture [...] l'essentiel c'est le dessin ; ce qui en constitue, pour le goût, la condition fondamentale, ce n'est pas ce qui procure une sensation agréable, mais uniquement ce qui plaît par sa forme. Les couleurs qui enluminent le dessin sont de l'attrait ; elles peuvent animer l'objet en soi pour la sensation, mais non le rendre digne d'être regardé, et beau... » Kant, Critique du jugement, XVIIIème siècle.

Depuis l'antiquité, les penseurs et artistes dénigrent la couleur : Platon ne voyait en elle qu'une illusion, un accessoire, une pâle imitation de la réalité. Toujours, elle apparaît comme un frein au pur dessin, à la forme qui produit ressemblance et Beauté (manifestation sensible de l'Idée). Hegel, au contraire, réhabilite en 1832 le coloris dans son ouvrage intitulé Esthétique : avec lui, la couleur est désignée comme l'élément central de l'œuvre d'art, ce qui lui donne âme et vie. A la fin du XIXème siècle, les Impressionnistes reprennent la balle au bond, bientôt suivis par les Fauves (au début du XXème siècle) puis par les peintres abstraits comme Kandinsky ou Mondrian. Aujourd'hui, la couleur a conquis son droit de cité et son autonomie.

2/ La peinture connaît la chanson

« Nous allons [...] faire quelques gammes, vraisemblablement chacun de notre côté, puis accorder nos lyres, jusqu'à ce que quelques couleurs se mettent à sonner, qu'elles produisent de petites musiques... » interview de M'Barek Bouhchichi et Cascade, le 1 juillet 2006. Des concordances semblent exister entre la musique et les arts plastiques. Bien sûr, au niveau lexical, on retrouve les mêmes termes : « accorder nos lyres », « gammes », « sonner ». Mais pas seulement : l'idée de composition, de rythme, de tonalité, d'harmonie sont communs aux deux arts. La peinture abstraite a poussé les plasticiens à raisonner différemment : tout comme les musiciens ils recherchent en dehors de toute figuration, la « justesse » d'une couleur ou d'un trait. Seule différence entre ces deux mondes : la musique se déroule dans le temps alors que la peinture utilise l'espace.